La comparaison et l'analogie sont des formes de raisonnement logique et esthétique très fréquemment utilisées ; mais qu'est-ce qui les différencie, au juste ? Ne s'agit-il que d'une distinction savante entre deux catégories qui, en pratique, recouvrent les mêmes réalités ?
De loin, en adoptant une grossière focale logique, il pourrait sembler que les actes de comparaison et d'analogie se confondent dans une catégorie plus vaste de processus cognitifs que l'on pourrait rassembler sous l'expression de "mise en relation d'objets a priori hétérogènes".
En fait, au sein de cette grande famille des processus de "mise en relation d'objets a priori hétérogènes", la comparaison et l'analogie procèdent de mécanismes cognitivo-perceptifs distincts : tandis que la comparaison saisit dans sa globalité un objet pour le mettre en rapport avec un autre objet, lui aussi saisi dans sa globalité (Pierre ressemble à Paul), l'analogie capte la relation qui unit un élément d'un système à un autre, avant de la comparer à une autre relation (dite analogue) unissant deux éléments d'un autre système (Pierre est aussi débraillé que Paul est mal peigné).
Si la comparaison saisit dans le réel des correspondances métaphoriques (relation d'un tout à un autre tout), l'analogie perçoit dans le réel des relations logiques entre correspondances métonymiques (relation d'une partie à un tout). C'est-à-dire que l'analogie compare deux tout pris, non en tant que totalités indivisibles, mais en tant que systèmes, id est ensembles finis de relations logiques entre éléments simples.
Ainsi, la comparaison a un caractère élémentaire que l'analogie n'a pas : elle est la plus petite opération logique servant à mettre en relation deux tout. L'opération élémentaire complémentaire de la comparaison serait alors la métonymie, qui pourrait se définir comme la plus petite opération logique mettant en relation un tout avec ses parties. Ce n'est qu'à partir de ces deux opérations élémentaires que l'analogie est possible. On comprend dès lors le caractère fondateur de cette opération pour l'esprit humain et sa rationalité scientifique. Nombre de philosophes (Bachelard, Duhem) et d'anthropologues (Levi-Strauss, Descola) l'ont d'ailleurs déjà souligné.
C'est en effet par la mise en correspondance d'expériences sensorielles et cognitives distinctes que petit à petit, peut se contruire l'intelligibilité d'un monde. Voilà donc le rôle primordial de cette opération logique : tisser des liens entre l'infinie diversité des expériences du monde vécues par l'homme, faire de l'Un avec du Multiple, réduire l'Autre au Semblable.