samedi 11 novembre 2017

Tu marches sur le trottoir, au bord de la route. Tu marches sur le trottoir, au bord des larmes. A l’intérieur de toi, une vie liquide bouillonne, s'agite de houle. Toi, n’ayant que tes yeux pour voir au-dehors et ta peau pour sentir au-dedans, tu sens l’eau monter sous ton visage comme sous l’effet d’une lune invisible qui voudrait le noyer d’un océan de larmes.

"L’air de la ville"... Il frotte ton regard à chacun de tes pas, il le nettoie. Il frotte doucement et tu sens s’installer sous tes paupières une nappe chaude et humide qui met entre tes yeux et le monde des lentilles de tristesse.

Et l’air te pèse. Il pèse de tout le poids de sa colonne verticale sur l’angle de tes pommettes, il pousse tes joues vers le sol, il écrase ton sourire. Tes paupières gonflées, tirées elles aussi vers le bas, s’ouvrent un peu plus sur leur mer intérieure. Éclot sur ton visage une rosée de larmes.

Tu marches sur le trottoir, un bâillon de ciel sur les lèvres, les yeux ouverts sur un océan.

vendredi 10 novembre 2017

Heures et Ors

Gobe-monnaie crache-papier tic-tac tic-tac,
Compte les mètres compte les heures, tic-tac tic-tac,
Capitaine innombrable en la ville des flux,
A la flotte amarrée à chaque coin de rue.

vendredi 20 octobre 2017

Éminence dorée



Penchée sur notre épaule,
L’échine déjetée,
Tu œuvres derrière nous
Au lire et à l’écrire ;
Tu es en quelque sorte
L’éminence dorée
De nos heures silencieuses
Où l’homme, de ses yeux,
Ravive l’esprit des morts
En parcourant leurs mots,
Où l’homme, de sa main,
Une plume en son creux,
Avive l’âme des vivants
En y coulant son encre,
En y coulant son sang.

Tout ce que l’homme lit,
Ton œil l’a déjà  lu,
Tout ce que l’homme écrit,
Ton œil le lit aussi.
D’ailleurs, qu’il se détourne,
Et nous voilà perdus,
Que ton regard s’éclipse
Et nous voilà aveugles.
Penchée sur nos besognes
Le dos toujours voûté,
Éminence dorée
De nos heures laborieuses.

dimanche 17 septembre 2017


On use de sa vitalité selon son caractère. Certains la délayent de façon régulière, comme un fleuve tranquille, sans écluse ni cataracte, avec une présence de chaque instant dans les mots et les gestes. D’autres la gardent pour les moments de panache et sont en état de veille le reste du temps. D’autres encore ne savent que la contenir et n’en laissent filtrer qu’un mince filet tandis qu’une vie bouillonnante reste en eux prisonnière.

lundi 19 juin 2017

Mains trop ouvertes,
Le temps s'échappe
De mes paumes
Et creuse sa fuite
Lignes de chair.

mardi 30 mai 2017



Yeux trop ouverts
La nuit déborde
Et s’étale
En cercles bleus
Sur mes paupières

lundi 29 mai 2017

J'ai le coeur qui pèse une tonne
Et pas la force de pleurer
J'aspire l'air sans respirer
J'existe sans être personne

lundi 6 février 2017

Universelle souffrance

Toute rencontre amoureuse nous semble unique ; l’amoureux se sent en quelque sorte élu, lui, parmi des milliers d’autres, pour ce qu’il a de plus singulier, pour ses qualités les plus personnelles, pour sa façon d’être irréductiblement sienne.

Quand vient la rupture, l’amoureux délaissé est rejeté dans le commun. Son immense souffrance, qui est d’abord celle de la perte d’une partie de soi –car aimer c’est sentir par un deuxième corps, vivre par un deuxième être – est aussi celle d’un retour à l’indistinction. 

La section du lien amoureux rejette les êtres auparavant noués en une tresse unique dans la masse des cœurs semblables. Atomisé, dénudé, soudain identique à tous les autres, l’amoureux délaissé se sent comme un quidam parmi les quidam, c’est-à-dire le plus misérable des hommes.

Ainsi le bonheur amoureux est-il toujours, au sens propre, un bonheur existentiel, car si être aimé d’un autre c’est devenir quelqu’un d’autre, c’est avant tout devenir quelqu’un, c’est exister de façon singulière.

Le malheur amoureux, par contraposée, est une expérience de l’universel. 

La souffrance du commun, de l’indistinction d’une vie insensée car solitaire, privée d’un autre qui la reconnaisse et lui donne sens, est un état connu de tous, tandis que l’élection de l’amour reste le privilège d’un groupe.

Voilà pourquoi la souffrance a des vertus communiantes que le bonheur n’aura jamais : elle est notre lot à tous, le ciment indestructible et glacial de la condition d’être humain, le baptême obligé par lequel il nous faut tous passer et qui nous fait tous frères, frères en absence, frères de sang.

dimanche 1 janvier 2017

Passions Jedi : les doutes d'Obi-Wan juste après la déroute (fanfiction dans "La revanche des Siths")



Il y a bien longtemps, dans une galaxie lointaine, très lointaine…

Après la trahison d’Anakin Skywalker, devenu l’apprenti de Dark Sidious, la République a été abolie et l’ordre des Jedi décimé. Seuls survivants, Obi Wan Kenobi et le grand maître Yoda se retrouvent une dernière fois à bord du vaisseau du sénateur Organa avant d’entrer dans la clandestinité et de trouver refuge dans des zones reculées de la galaxie. Yoda a donné ses dernières instructions pour que l’existence des deux enfants de Padmé et d’Anakin soit tenue secrète. Leïa, la fille, sera confiée au sénateur d’Alderaan; Luke, le garçon, sera caché sur Tatooine, sous la protection dObi-Wan. Alors que ce dernier sapprête à partir pour un long exil, un doute le tenaille. Et sil avait failli? Sil était responsable de la chute de son padawan. Il se confie à Yoda.

Obi-Wan: Maîtreil y a une dernière chose que je voudrais vous dire
Maître Yoda: Parle, Obi-Wan. A ton écoute je suis, et toujours je serai.
Obi-Wan: cest à propos dAnakin
Maître Yoda: Anakin nest plus, Obi-Wan. En lui, seul le sith existe désormais. Et le détruire il nous faut.
Obi-Wan: Maîtrejai vécu pendant des années à ces côtés, pendant des années, celui qui a massacré tous nos novices, celui qui a voulu étrangler la mère de ses enfants, na suivi que mon enseignement! Comment pourrais-je ne pas être responsable de sa chute? Maître, jai failli dans ma mission! Il était l’élu, et jai fait de lui le pire des meurtriers de lhistoire de notre ordre, le pire des traîtres!
Maître Yoda: douloureux sont ces jours, pour toi, pour nous tous. Aveugles nous avons été! Quand la force est puissante, difficile il est dy renoncer. Dès lenfance, Dark Vador, par la peur était rongé. Dès lenfance, l’éloigner du pouvoir il nous fallait.
Obi-Wan: vous pensez donc que Qui-Gon sest trompé en en faisant son apprenti. Vous pensez qu’il aurait fallu le laisser sur Tatooine vivre sa vie d’esclave avec sa mère?
Maître Yoda: ce qui est fait est fait, et défait ne peut être. Un grand maître, Qui-Gon était, mais prendre trop de risques il aimait. Rendre au fils la liberté, et de la mère, esclave, le séparer, une grande douleur c’était engendrer! Et la peur est sœur de la douleur…
Obi-Wan: Qui-Gon le savait, mais il était convaincu que le destin dAnakin valait tous les sacrifices, quil ramènerait l’équilibre dans la force!
Maître Yoda: Et de cela, nous tous il a su convaincre! Mais responsable, Qui-Gon nest pas ! En ce Skywalker, le côté obscur avait creusé son destin. Et revoir la prophétie, à présent il nous faut.
C3PO, inclinant la tête comme pour s’excuser de prendre la parole: Maître Yoda, si je puis me permettre, jai observé Anakin et Princesse Padmé de près quand leur amour était clandestin et je dois dire que je nai jamais vu damour plus sincère bon, cest vrai, lamour nest pas ma spécialité, mais je vois mal comment de si doux sentiments auraient pu entraîner Anakin dans des profondeurs aussi sombres!
Obi-Wan, regardant par terre, désemparé mais acquiesçant aux mots de C-3PO, puis s’emportant soudain: C-3PO a raison, Maître! Anakin n’était pas coupable de ressentir cet amour, pas plus quil n’était coupable d’éprouver le manque de sa mère quand Qui-Gon la emmené loin de Tatouine.  Cest nous qui navons pas su donner une place à ces sentiments, nous qui sommes restés empêtrés dans nos principes au lieu d’écouter ce que cet enfant avait à nous dire…
[Il sort soudain son sabre laser et le contemple d’un œil hagard, sans agressivité mais avec une profonde perplexité]
Pourquoi un bon Jedi devrait-il s’interdire d’aimer? Pourquoi faudrait-il nous détacher du monde si nous devons le comprendre et le protéger? Lordre a failli, Maître, nous avons été décimés par deux simples guerriers Siths!
Maître Yoda: Pas deux simples guerriers, Obi-Wan: lun, seigneur noir Sith, lautre si puissant qu’élu nous le croyions!
Obi-Wan: Mais nous étions des dizaines! Pourquoi navons-nous pas réussi à vaincre ces deux Siths? Pourquoi sommes-nous toujours inférieurs dans les combats? Contre Dark Maul, contre le Comte Dooku, cest toujours à deux que nous allons les affronter! Comment se peut-il que le côté obscur soit plus puissant que nous? 
Maître Yoda: Toujours aisée est la destruction; plus difficile il est de bâtir; combattre pour tuer, des Sith cest la vocation; naturelle est leur supérioritédans la bataille! Cest ailleurs que nous devons gagner.
Obi-Wan: Mais vous le savez mieux que moi, Maître, les Sith puisent leurs forces dans leurs passions ! Toutes leurs passions! Peut-être devons-nous apprendre deux, peut-être devons-nous apprivoiser nos passions au lieu de les nier. Je me souviens de ce que vous nous avez enseigné, je me souviens précisément des mots que vous utilisiez:«Exerce ta volonté à renoncer à tout ce que tu redoutes de perdre un jour.» Maître, pardonnez-moi, mais je crois désormais que vous vous êtes trompé. Je crois désormais que seul le côté obscur peut tirer partie d’une telle règle, je crois au contraire qu’il faut défendre à tout prix ce que l’on ne veut pas perdre et je crois qu’Anakin a sombré à force de renoncement.
Maître Yoda: Ta colère, je comprends, Obi-Wan. Mais maître de tes esprits tu dois rester. Renoncer nest pas abandonner. Pour servir les siens, parfois, renoncer à eux il est préférable. Difficile est cette épreuvepour les Sith, la puissance de la force, est tout. Pour nous Jedi, un simple moyen est la force: la justice notre fin. Cest pourquoi des passions il faut nous méfier.
Obi-Wan: Je crois au contraire que nous devons trouver la place qui leur revient. Ne voyez-vous pas que nous sommes faibles? Qui-Gon a été tué par Dark Maul, AnakDark Vador a décimé le conseil Jedi et vous avez échoué contre Dark Sidious. Nous devons devenir plus forts, grand Maître!
Maître Yoda: Autre est notre force! Dans notre cause, dans la communauté de nos faiblesses, dans l’équilibre que nous voulons pour la force.
Obi-Wan: Cet équilibre viendra-t-il un jour? La prophétie ne sest pas réalisée: Anakin n’était pas l’élu! La force est plus obscure que jamais: et nous ne sommes plus que deux!
R2D2, un peu irrité, émet des sons psychédéliques.
C-3PO: Oui, je suis tout à fait daccord avec R2D2: vous pouvez aussi compter sur nous pour défendre la justice dans la galaxie.
Obi-Wan: Oui, bien sûr, R2. Toi et C3PO êtes nos plus infaillibles soutiens droïdes. Mais je parlais des Jedis: nous ne sommes plus que deux désormais.
Maître Yoda: Dautres Jedis ailleurs pourraient survivre. Un jour nous les retrouverons. Et les enfants, Obi-Wan. Les enfants, tu oublies. En eux, une grande force, je pressens.
Obi-wan: Mais il faudra des années avant quils puissent nous rejoindre. Et qui sait ce que le monde sera devenu alors, et si nous aurons survécu!
Maître Yoda: Espoir il faut garder, Obi-Wan! Si écouter tes sentiments tu désires, écoute celui-là: lespoir!