mardi 17 mars 2009

Aphorisme 1

Le mot est un théâtre sur la scène duquel la pensée joue chaque fois une pièce différente.

dimanche 1 mars 2009

Solitude et Viscosité (lecture en musique)

L'être social est visqueux.
Dans la vie en communauté, l'être social est quotidiennement amené a se déplacer. Pour aller travailler, faire des courses, chercher ses enfants, voir ses amis, l'être social utilise un moyen de transport. Quelque soit celui-ci, il lui faut pour en faire usage emprunter des voies prévues a cet effet (routes, trottoirs, couloirs métropolitains,...). Or, en particulier dans la vie citadine mais à bien des égards aussi à la campagne, ces voies sont communes et très abondamment utilisées. Aussi les flux subséquents atteignent-ils parfois des intensités considérables: c'est ce que l'on appelle l'heure de pointe! Le matin entre 7h30 et 9h dans nos villes françaises et le soir entre 17h et 19h! La maitrise et la "fluidification" de ces migrations journalières (aussi appelées "horaires") est un enjeu de taille pour l'économie d'un pays. C'est pourquoi les villes sont construites (ou plutôt reconstruites) pour permettre aux embouteillages de diminuer ou bien, si la mairie concernée est plutôt ecolo pour que les transports en commun assument la surcharge de tension artérielle de la ville.Bien entendu, dans ces questions urbanistico-economico-politiques, le vivre-ensemble est rarement le premier des paramétres considérés. Et dans le combat acharné pour rendre plus fluide tous les types de circulation (flux tendus obligent!), la viscosité de l'être social en prend un coup.
Qu'est-ce que cette viscosité? Rien de glandulaire là-dedans! La viscosité dont je parle est cette tendance naturelle chez l'homme a s'arrêter pour discuter, pour voir ou écouter, pour tout motif enfin, aussi obscur soit-il, relié à la présence d'un Autre dans son champ d'existence. C'est cette viscosité-la qui est a l'œuvre quand un couple d'ados s'arrête une demi-heure dans le métro devant un chanteur de folk défroqué, souriant de toute la largeur de son harmonica; ou lorsque mamie a fait tomber son parapluie et qu'un gentil monsieur le lui ramasse avant d'avoir pour récompense le portrait de ses dix-huit arrière-petits enfants; c'est aussi un phénomène visqueux que d'être simplement assis dans le métro, l'œil rivé sur un groupe de jolies jeunes filles, l'oreille aux aguets et l'appétit d'Etre plus aiguisé que jamais...
Mais qu'en-est il aujourd'hui, dans nos métropoles pluri-millonaires? Le tableau est bien triste: les regards sont fuyants ou baissés sur des journaux stupides, les transports sont bondés et la promiscuité tue d'elle-même la curiosité pour l'Autre; les musiciens des rues sont bien peu au regard de ces innombrables clodos, pick-pockets, ou mendiants prédicateurs qui harcèlent de leur haleine fétide les honnêtes travailleurs que nous sommes; tandis qu'en face, par une nécessité d'équilibre précaire, pulullent les vigiles, les agents de sécurités interlopes et les militaires vigipirates: désordre misérable et ordre hypocrite, voila le paysage! Tout le monde est pressé, tout le monde est stressé. Les filles ont peur des hommes qui sont souvent vulgaires; les hommes craignent les racailles, ces éructeurs de rap qui ont parfois l'audace de balancer leur son a 9h du matin...Le transport n'a plus rien du voyage: c'est un transit! Et si ça n'était que les transports! Mais les restaurants eux-mêmes, les cinémas les cafés, absorbent chaque jour plus de silhouettes seules, desespérément seules!
Il faut tout séparer, éclater, atomiser! Le lien social, ce frein à la croissance, doit être rompu par n'importe quel moyen! Et l'on nous taille à cette mesure, à celle du consommateur individué et fluide! Les grands sécateurs du capitalisme moderne tranchent les terminaisons sociales des individus! Nous devenons insensibles à l'Autre et parfois même à tout objet extérieur ne rentrant pas dans le champ immédiat de nos préoccupations! D'ailleurs, la différence qu'il y a chez l'Autre entre humain et objet n'est plus de mise: il est Autre, il nous est étranger, il n'existe pas! L'ivrogne crasseux se transforme en clochard, puis en clodo puis en sigle: SDF...et dans les rues de nos cités, lorsque par ces froides matinées d'hiver on retrouve des corps étendus sur le sol, ce sont des sigles morts -ignoble pléonasme- que nos pas enjambent machinalement!
La viscosité humaine est une richesse inestimable! C'est en elle que trouvent leur source ces valeurs intemporelles qui ont donné aux aventures humaines leur beauté: communauté, échange, partage...la liste n'est pas exhaustive!
Comment lutter contre ce graissage sournois et insensible que la société d'opulence pratique sur nos rouages les plus intimes? C'est une affaire de "première personne": Je ou Nous? Penser sa vie comme l'accomplissement d'un projet de carrière, la constitution d'une famille strictement nucléique et fonctionnelle, c'est penser sa vie au singulier: c'est vivre dans la nature. Penser sa vie comme la réalisation particulière d'un destin collectif, en cherchant sans cesse à briser les barrières et à nourrir le langage entre les "siens" et les "autres", c'est penser au pluriel: c'est vivre dans la culture!