samedi 16 janvier 2010

Fable sur la grandeur de l'avarice



Le panache du ladre

L'indécence dans le profit
N'ôte pas toujours aux nantis
Le panache et le sens du drame;
J'en veux pour preuve cette trame
D'une lointaine tragédie
Où un Crésus laissa la vie:

Dans une contrée reculée
D'un duché gorgé de bandits
Un noble un beau soir se perdit...
Croyant poursuivre du gibier,
Il s'enfonça dans un bosquet
Et fut soudain tout ébaubi
Lorsque se planta devant lui
Un va-nu-pieds tout efflanqué.
La faux brandie et l'oeil avide,
Il s'avança vers le seigneur
Et de son haleine fétide
Lui intima d'un ton railleur:

"Hé l'ami! La bourse ou la vie?
Et t'avise'pas d'tergiverser!"

Le noble n'en eut point l'envie:

"La vie: plutôt mort que ruiné!"

Le trait était bien inspiré,
Il n'en fut pas moins ignoré:
Notre homme mourut fauché
Au sens propre et au figuré.

Sourcière de l'âme,
La plume trace son lit d'encre
Dans le désert de nos actes manqués.