mardi 30 juin 2015

Passager du vent


Il est là sous nos pieds,
Mais il vient de très loin :
Des rochers primordiaux
Accoucheurs d’océans,
Des falaises insondables
Que creusent en vain les mers.
L’œil distrait le voit fait
D’un corps lisse et uni,
D’un habit monochrome ;
L’œil scrutateur y lit
Des lames de textures,
Des pailles de couleurs.
D’apparence sédentaire,
Son destin est nomade,
D’apparence éphémère,
Sa vie est éternelle.
D’apparence minuscule,
Son sort est capital.

vendredi 26 juin 2015

Bandes organisées


Sur le vernis des villes,
On y franchit à gué,
En bandes organisées
Des rivières sans source
Où coule la fureur
D’êtres aux pieds d’hévéas,
Aux os de verre et d’acier
Et dont le sang bouillonne
Du fluide esprit des morts.

jeudi 25 juin 2015

Vernis sur ville

C’est un sentier de pierre
Dans nos forêts d’acier,
C’est un ciel à l’envers
Constellé d’impuretés.
Les arbres et les bancs
Y mêlent leurs copeaux
Que les gens et les eaux
Roulent dans leur courant.

samedi 20 juin 2015

Intermède combustible

Elle prend l'air à ceux qui l'abhorrent,
Elle donne des airs à ceux qui l'adorent,
Des airs spirituels aux esprits cartésiens
Des airs d'artistes aux plus zélés philistins.
Intermède combustible de nos routines,
Moment de grâce des âmes éreintées,
Sentence aussi pour ceux qu'elle asservit
Et qui savent qu'à chaque soupir de plus avec elle
Ils hâtent le moment du dernier venu.

vendredi 19 juin 2015

La rançon de la veille


Tatouages à l’eau
Auréoles de temps
Des ricochets d’instant
Qui font des ronds de peau

jeudi 18 juin 2015

Un pasteur sédentaire


Depuis son refuge, dans un recoin obscur,
Il veille sur notre moderne domesticité.
C’est un pasteur sédentaire, patient et dur,
Qui lorsqu’une de ses ouailles est survoltée,
Coupe court froidement à son exaltation
Et veut de tout le troupeau la même expiation.

mardi 16 juin 2015

Épitaphe d’un submersible



Né fluide et tiède
Dans un cube de plastique
Confiné.
Mort dur et froid
Dans un cylindre de verre
Au grand air.

lundi 15 juin 2015

Vibrante gestation



De ses creuses parois
Capitonnées de mousse,
Jaillit l’onde invisible
Qu’on boit les yeux fermés.
De sa bouche vibrante,
Disque tendre dans le bois,
Naît l’onde qui donne vie
Et qui meurt l’instant d’après.   

samedi 13 juin 2015

Un cyclope d'intérieur



C’est un cyclope d’intérieur
Qui n’en a que pour vos effets.
Donnez-les lui et vous verrez
Comment vibre et tourne son cœur,
Son cœur tout dur et tout troué,
Trempé d’eau sale et parfumé,
Pulsant, de sa timbale chromée
Le reste ingrat de nos journées.

vendredi 12 juin 2015

Fluide esprit des morts


Je suis né aux Enfers
Du mariage posthume
De l’algue et de la pierre,
Je suis fils des profondeurs
De la Terre et du Temps,
Fils de la fièvre aussi...

De mon berceau cambrien
A ma fougue jurassique,
J’ai jailli d’eaux paraliques
Où s’essouffle le flux,
Où se met en suspens
Dans une lagune tiède,
Dans un delta atone,
La pulsation du monde...

C’est dans cette tombe du temps
Où la mort semble vivante,
Que j’ai dormi des ères entières
Sur un matelas aquatique,
Sous un plafond combustible,
Bien couvé par ma roche-mère.

Puis l’Homme un jour m’a réveillé,
D’un trépans mal assuré,
Voici une pincée de siècles,
Il a percé ma chambre chaude,
Ce sépulcre fécond
Où je mijotais la mort
A longueur d’éternité.

mardi 9 juin 2015

Un passeur discret



C’est un passeur discret
Qui pour servir la lumière
S’habille d’obscurité.
Il est translucide et pourtant opaque,
Il peut cacher comme il peut montrer,
Servir de masque ou de phare...
Il est tout en surface
Et l’on s’abîme dans ses profondeurs.
Il nous absorbe et nous méduse,
Et l’on apprend beaucoup par lui
Quand on en sait si peu sur lui.
C’est un passeur hors pair
Qui d’un rectangle noir
Fait jaillir la clarté.