jeudi 15 novembre 2012

Neapolis

Sur les flancs du Vésuve, à deux pas de la soufrière des Champs Phlégréens, où la tradition greco-romaine voyait l'entrée des Enfers, se trouve Naples, monstre urbain de 3000 ans d'histoire où voisinent les églises et les scooters, les autels et les ordures, les châteaux médiévaux et les graffitis monumentaux. "Toujours conquise, jamais soumise", cette ville où le marché noir est endémique et où les commerçants paient le pizzo à une mafia puissante(La Cammorra) et souvent préférée aux autorités gouvernementales, n'a pas succombé au flux de touristes qui affluent vers les ruines de Pompéi et les falaises plongeantes de la côte Amalfitaine. 

Contrairement à d'autres grandes villes touristiques d'Italie et d'ailleurs (Rome, Florence, Paris, etc...), Naples frappe au premier abord par la présence de ses habitants, jusque dans les quartiers les plus centraux et commerciaux. D'ailleurs, à peine sortez-vous une carte (indiquant par là votre statut d'étranger) que l'on accourt vers vous! La voix est haute et le ton impératif, et l'on ne sait jamais bien si c'est du secours ou une arnaque qui vous attend, mais c'est inévitable. 
Vous croyez visiter Naples?! Que nenni! c'est Naples qui vous attrape et vous dit: "ici, c'est chez moi et voilà ce qu'il faut voir, voilà où tu dois aller!"... 

En souvenir d'un court séjour parmi les turbulences urbaines de cette ville incroyable, voici un petit acrostiche:

Neapolis

Nouvelle, tu l’étais, voilà trois millénaires ;
Aujourd’hui ton visage est creusé de venelles
Ployant sous les déchets qui couvrent tes autels ;
Le jour dans les soutanes, la nuit en Enfer,
Encombrée de gardiens du temple de Vespa,
Sous le péril du feu, chaque jour est Sabbat.

mardi 23 octobre 2012

Mon coeur...


Mon cœur est comme un ciel
Qui garderait mémoire
De tous ses grands orages.
Les éclairs de la vie
Ont inscrit dans sa chair
La douleur de l’instant.

Mon cœur est comme un fleuve
Qui garderait mémoire
De tous ses lits passés.
C’est un delta immense
Qui caresse la mer
De ses milliers de bras.

Mon cœur est comme un arbre
Qui garderait mémoire
De ses feuilles tombées.
Ses racines affleurent
Le gisant de l’oubli,
Cueillant les souvenirs
Dans la brèche du temps.

dimanche 8 juillet 2012

Discours du 14 janvier 1879 de Chef Joseph

Plus d'une décennie après la Guerre Civile (1861-1865), les Etats-Unis sont tout entiers dévoués à la tâche d'établir leur empire sur les contrées lointaines du Far West où l'Or, dit-on, coule à flot dans les rivières et crible les moindres collines de l'éclat de ses pépites. Pour les tribus indiennes qui vivaient jusque là dans une paix relative avec les blancs, ces vagues successives de peuplement hystérique, cette ruée vers l'Or, signifia la confrontation brutale avec ce qu'il y avait de plus néfaste et scélérat dans la civilisation capitaliste naissante...
Les Nez-Percés, ou Nimíipuu, qui vivaient jusque là en bonne entente avec les blancs, durent en 1877 faire face à l'armée étatsunienne qui, après la découverte d'or sur leur territoire de l'Idaho, venait préparer le terrain pour que des colons puissent venir exploiter le minerai.
Après des combats longs et difficiles, les Nez Percés, sous le commandement de In Mut Too Yah Lat Kekht, mieux connu comme Chef Joseph, doivent capituler pour éviter l'extermination et sont déportés en juillet 1878 dans une réserve de l'état de Oklahoma.
En janvier 1879, Chef Jospeh s'adresse au Congrès de Washington et demande le droit pour son peuple de vivre libre sur ses terres de l'Idaho.
Au-delà de la puissance rhétorique de ce discours, c'est toute la condition indienne qui s'y trouve exprimée, dans la bouche d'un homme qui grandit avec les blancs (son nom, chrétien, en témoigne!), dirigea une nation indienne (les Nez-Percés) avant de mourir en déportation, dépossédé de tout, le 21 septembre 1804.



L'extrait de discours lu ici est accompagné par des extraits de Lachrimae or Seven Teares, pièce pour viole de gambe et luth publiée à Londres par John Dowland en 1604...deux siècles exactement avant la mort de Chef Joseph.

dimanche 6 mai 2012

L'écrivain Patrick Chamoiseau sur le mouvement de société que représente le Front de Gauche

Morceaux choisis d'une interview accordée à l'Humanité le 2 mai dernier:


"Le problème des élections présidentielles c'est qu'elles focalisent les énergies sur une personnalité, alors que nous sommes en face de la nécessité d'un changement radical de ce qui nous sert d'imaginaire économique. Si le capitalisme financier n'est pas soumis à l'autorité d'une autre économie, d'un autre imaginaire, aucun Etat, aucun gouvernement, et encore moins un « homme providentiel », ne seront en mesure de modifier la donne.

La métamorphose qui nous est nécessaire, et qui est nécessaire à tous les peuples du monde, est à la fois citoyenne et systémique. Dès lors, si on garde à l'esprit cette perspective-là, cette élection se révèle autrement. Quelque chose de pas banal s'est produit : l'émergence d'une nouvelle force politique, une nouvelle conscience, celle du Front de gauche."

[...]

"Ceux qui ont adhéré à ce mouvement-là ont en quelque sorte accédé à un autre ordre de réalité : un rideau d'illusion commence à se défaire. Cela n'a rien à voir avec les agglutinations individuelles de peurs, de souffrances, de misères morales, de paupérisations, d'inquiétudes, effets de crise et autres destructions du capitalisme, qui constituent le vote Lepéniste."

"[...] Mais le plus important, c'est que la France continue à construire la nouvelle force que Jean-Luc Mélenchon a réussi à cristalliser, l'inscrire dans les consciences et les imaginaires, puis la déployer dans l'appareil politique. Concourir à la victoire de Hollande est essentiel, consolider la nouvelle force est fondamental."






mardi 17 avril 2012

"L'humain d'abord": le Programme du Front de Gauche en version Audio

PREMIERE PARTIE: PARTAGER LES RICHESSES


Pour retrouver l'intégralité du Programme du Front de Gauche: http://www.placeaupeuple2012.fr/lhumain-dabord-en-version-audio/

L'autre France d'en haut, vue par le cinéaste Gilles Perret

(Cet article est paru dans Mouche-Magazine, magazine en ligne de critique de cinéma: http://mouche-magazine.blogspot.fr/)

« Plus c’est local, plus c’est universel », affirmait autrefois l’architecte portugais Fernando Távora. Cette hypothèse paradoxale, le cinéaste Gilles Perret la démontre aujourd'hui avec maestria dans son dernier documentaire, au nom si astucieusement provocateur...

De Mémoires d’Ouvriers : l’autre France d’en haut parvient à embrasser un siècle d’histoire du mouvement ouvrier en s’appuyant sur l’exemple des pays de Savoie. De l’essor de l’électrométallurgie à la toute fin du XIXe siècle jusqu’à l’industrie du tourisme de montagne, en passant par les grands travaux des Alpes, tous les grands problèmes sociaux du XXe siècle sont passés en revue : l’exode rural, la reconstruction d’après-guerre, l’immigration de travail, la désindustrialisation, l’essor du secteur tertiaire et enfin la mondialisation, avec son lot d’ajustements structurels et de délocalisations.

Ce travail de Gilles Perret ne se comprend qu’au croisement de deux intentions, l’une cinématographique, l’autre politique. L’intention cinématographique, c’est de filmer le monde social avec tous les moyens dont on dispose. Ici, la mémoire vivante des ouvriers éclaire, au même titre que la mémoire savante des historiens, la matière brute des archives de la Cinémathèque des Pays de Savoie et de l’Ain. On écoute avec le même intérêt l’historien Michel Etiévent nous conter la double journée héroïque et harassante des premiers ouvriers-paysans de l’électrométallurgie, et l’ouvrier à la retraite Marcel Aynard revenir sur la construction épique et laborieuse du grand barrage de Roselend. Dans tous les témoignages, ce même paradoxe : le mouvement ouvrier fascine par l’ampleur de ses réalisations, par la culture qu’il a produite, imprégnée des valeurs de solidarité et de résistance politique ; mais il inquiète aussi, par l’importance des sacrifices qu’il a dû concéder pour s’adapter à des contraintes de coût et de performance toujours plus grande. Si l’abnégation du bâtisseur de barrages force l’admiration, l’aliénation du forçat de l’acier ou du béton défie la compréhension… L’intention politique, ensuite. Évidente à l’écran, elle n’est pourtant pas explicite (c’est sur le site web associé au film qu’elle se trouve expliquée). Gilles Perret part du constat que les ouvriers représentent 23% des actifs mais n’occupent que 2% de l’espace médiatique. « Lorsque nous allumons la TV ou la radio, nous avons l’impression qu’en France, il n’y a plus que des publicitaires, des employés de bureau, des avocats ou des cadres dirigeants. Quel oubli et quel mépris... », regrette-t-il.

Les ouvriers ont la mémoire longue. Gilles Perret l’a compris et le parcours qu’il nous propose à travers l’histoire du mouvement ouvrier doit beaucoup de sa réussite à la qualité des témoignages recueillis. C’est d’ailleurs une constance du cinéma que propose le réalisateur savoyard. Après avoir dénoncé l’arbitraire absurde des délocalisations dans Ma Mondialisation (2006), puis le démantèlement des acquis du Conseil National de la Résistance dans Walter entre en Résistance (2009), Gilles Perret construit pas à pas un cinéma critique exigeant, bâti sur de solides enquêtes, qui excelle par-dessus tout dans le dévoilement de ce que le local porte en lui d’universel.

lundi 2 avril 2012

Le Nouveau Parti Poétique (NPP) est né

C'était il ya deux semaines à l'occasion du printemps des Poètes. L'évènement s'est produit à Jules Joffrin, dans le XVIIe arrondissement de Paris, au marché du Poteau, sous l'aile généreuse de la Ruche des Arts!



samedi 3 mars 2012

L'Arche de Noé du Salon de l'Agriculture

Pendant qu'au Salon de l'Agriculture, la parade des présidentielles vient mettre son vertueux masque de boue avant les échéances, la paysannerie, elle, continue de s'éteindre...

jeudi 12 janvier 2012

Donoma: un film "guérrilla"


Donoma, « le jour est là » en langue lakota ! L’annonce est détonante et a quelque chose de mystique ou de follement ambitieux. Mais il fallait bien trouver un nom de guerre pour une œuvre auto-proclamée « film-guerilla », qui revendique un budget de 150€, un recours systématique à la débrouille (acteurs bénévoles, troc d’appartements pour les tournages, costumes prêtés par un créateur en échange de la réalisation de clips de défilés, etc…) et un « esprit » indépendant du début à la fin. Une chose est sûre : la communication est bien rôdée ! Pourtant, Donoma est bien plus que le « buzz movie » d’une bande de jeunes indépendants autodidactes. C’est un film-programme.

Tout commence au milieu d’un chemin de traverse dans ce qu’on imagine être une banlieue parisienne plutôt bourgeoise. Un couple de jeunes se roulent des pelles sur les marches d’un escalier quand une dispute éclate parce que, selon la fille, son mec « n’en peut plus » et devient trop entreprenant ! Les répliques fusent, dans un slam à deux voix, rythmé et lyrique, et lorsque la sonnerie du portable du garçon vient interrompre la dispute, on est presque déçus. L’écriture des dialogues et le jeu des acteurs sont si ajustés qu’on a l’impression d’un documentaire sur la vie amoureuse des jeunes. En réalité, si certaines scènes donnent une telle impression d’authenticité, c’est que Djinn Carrénard (scénariste, réalisateur et monteur) a volontairement laissé une large place à l’improvisation ! S’exprimant dans une interview au sujet de l’interprétation de ses acteurs, il dira d’ailleurs : « sans lancer des fleurs à mes comédiens, ils approchaient le jazz ».

Si les qualités d’écriture et d’interprétation exceptionnelles que Donoma parvient à rassembler donnent naissance à certaines scènes d’anthologie, valant pour elles-mêmes en dehors de toute intrigue, celle-ci mérite tout de même qu’on s’y attarde. Donoma est un film choral qui tente d’orchestrer la polyphonie de trois voix féminines dans le contre-chant masculin de l’amour, du désir et de la trahison. Trois femmes courage entourées d’hommes en galère, tous cherchant désespérément un sens aux mouvements du cœur.

Une prof d’espagnol dans un lycée d’une banlieue populaire, aux prises avec un "caïd du dernier rang", et qui, de défis en provocations, finit par se laisser embarquer dans une relation faite de confidences, de sexe, et d’humiliations réciproques. Une jeune lycéenne, vivant seule avec sa sœur leucémique et possessive dans la maison bourgeoise de ses parents, sortant avec ce même "caïd du dernier rang" (lequel la trompe donc avec sa prof d’espagnol), et qui, déçue par les amours terrestres, finira par chercher dans le passage éphémère d’un RER l’âme-sœur et sainte avec laquelle est persuadée d’avoir un lien. Une photographe enfin, en mal d’expériences amoureuses, qui décide de s’en remettre au hasard pour choisir son prochain et premier amant, avant d’y parvenir et d’instaurer avec l’heureux élu une relation sans paroles mais pleine de sensualité et de mimes.

Toutes les histoires ne se rejoignent pas. Toutes les intrigues ne se dénouent pas. Le flou dont la caméra de Djinn Carrénard est imprégnée (parfois peut-être inutilement) déteint sur un scénario qui n’a pas vraiment de fin. Mais qu’importe, un cinéma est bien là ! Un cinéma qui n’a peur ni des frontières sociales ni des paradoxes esthétiques : du RER aux beaux arrondissements de Paris, d’une écriture exigeante à l’improvisation dramatique, d’une ambition réaliste aux échappées mystiques. Un programme est fixé. On attend la suite.