Tu marches sur le trottoir, au
bord de la route. Tu marches sur le trottoir, au bord des larmes. A l’intérieur
de toi, une vie liquide bouillonne, s'agite de houle. Toi, n’ayant que
tes yeux pour voir au-dehors et ta peau pour sentir au-dedans, tu sens l’eau
monter sous ton visage comme sous l’effet d’une lune invisible qui voudrait le noyer d’un océan de larmes.
"L’air de la ville"...
Il frotte ton regard à chacun de tes pas, il le nettoie. Il frotte
doucement et tu sens s’installer sous tes paupières une nappe chaude et humide
qui met entre tes yeux et le monde des lentilles de tristesse.
Et l’air te pèse. Il pèse de tout
le poids de sa colonne verticale sur l’angle de tes pommettes, il pousse tes
joues vers le sol, il écrase ton sourire. Tes paupières gonflées, tirées elles
aussi vers le bas, s’ouvrent un peu plus sur leur mer intérieure. Éclot sur ton visage une rosée de larmes.
Tu marches sur le trottoir, un bâillon
de ciel sur les lèvres, les yeux ouverts sur un océan.