J’ai pour exister un bel
appartement, une voiture confortable et un emploi décent. Bien qu’on m’en ait
donné mille fois l’occasion, je ne possède aucun de ces agréments. Malgré les
égards de mon agence immobilière, les offres de mon garagiste et les enchères
de mon patron, je reste locataire...de mon toit, de mon volant, de mon bureau.
Car je veux rester libre.
J’ai pour me damner un petit bout
de trottoir dans un bois très urbain. J’y vais depuis longtemps, et j’ai pour
une certaine artisane d’un antédiluvien métier un entrain sans cesse renouvelé.
Entrain qu’elle semble partager à tel point qu’elle voudrait désormais m’offrir
ses services gratis pro deo. Mais je
préfère les louer. Car je veux rester libre.
J’ai pour me sauver une petite
chapelle bien douillette. J’y prie depuis les lustres, je m’y confesse aussi,
et le majordome de la maison de Dieu connaît par cœur les errances de mon corps
et les vicissitudes de mon âme. Il m’a fait comprendre qu’avec quelque obole,
une assiduité sans faille au sermon et son poids en missel, je pouvais espérer le
pardon et racheter mes péchés. Mais je préfère les louer. Car je veux rester
libre.