Les gens trop intelligents, ou plutôt qui ne savent qu'être intelligents, sont dans la vie comme sur des échasses : ils font de très grands pas mais tournent en rond et ne vont jamais bien loin.
samedi 17 octobre 2015
Le T3 des Maréchaux : un tramway nommé désir ?
Le tram file à son
destin périphérique. Il longe le halo de la ville-cœur tranquillement,
délicatement, sans les heurts et les stridences de son cousin sous-terrain. Funambule
à l’envers, il glisse sous son caténaire le long de la petite ceinture de
Paris. Peu lui importe les Brune et les Soult, les Victor et les Davout, tous
ces maréchaux de Napoléon dont les noms pendouillent à chaque coin de rue, sur
de vieilles plaques de fer. Ce sont de maigres décorations, ces plaques
posthumes, pour ces torses déjà criblés de métal étincelant, qui envoyèrent les
torses plus dénudés de leurs dragons se les faire cribler aussi, mais d’un métal
plus pénétrant, aux quatre coins de l’Europe ! Le T3, lui, file à son
destin périphérique. Il ramasse des gens et les dépose un peu plus loin. Au
bout d’un arc de cercle parisien, à Pont du Garigliano ou Porte de Vincennes,
il fait demi-tour et rebelote : il ramasse des gens et les dépose un peu
plus loin.
Cet après-midi,
le T3 voyage léger. Plus il y a de la place quelque part et plus les gens la
prennent : c’est pourquoi les voyageurs sont parsemés sur toute la rame,
cherchant la distance maximale avec les autres, le carré de sièges le plus vide,
la barre de maintien la plus vierge de mains. Il faut les comprendre aussi, ces
franciliens raillés dans toutes les provinces pour leur indifférence hargneuse
dans les transports : c’est que de RER en métros, de bus en tramways, ils
font en moyenne un Paris-Lyon chaque jour sans sortir de l’Ile-de-France. Chaque
jour, il croise mille frères et mille sœurs, le francilien, alors au lieu de se
lancer dans la tâche sysiphéenne d’une conversation perpétuelle avec chacun d’entre
eux, il s’y dérobe en un ballet silencieux de très personnelles activités. Chacun
a sa méthode pour faire mousser sa petite bulle d’intimité : la plupart caressent
leur portable du bout des doigts, la nuque brisée et la bouche entrouverte,
prisonniers —un peu comme Merlin— d’une dérisoire prison de verre ;
d’autres sortent un livre de poche qui s’ouvre comme par magie à la page
abandonnée ; d’autres encore, le crâne bien gainé par une arche sonore,
ferment les yeux, excités ou bercés, et d’une chorégraphie muette des lèvres,
rendent visibles les sons qui les traversent. Tout le monde est bien, dans
l’après-midi tranquille, pétri de lointain, de fiction ou de son.
A l’arrêt Porte
Dorée, un groupe d’adolescents fait son entrée. La langue française est
trompeuse car elle contraint à l’accord au masculin au moindre chromosome Y
présent dans un amas de cellules. Bescherelle ne fait pas la différence entre
d’un côté mille femmes et un eunuque et de l’autre une bande de potes :
c’est toujours un groupe d’individus à accorder au masculin pluriel. Drôle de
type, ce Bescherelle !
Il n’y a qu’un
mec dans le groupe d’ados qui vient de rentrer, un mec entouré de filles – un
con en puissance quoi ! – qui s’efforce de donner raison à Bescherelle en
occupant tout l’espace sonore de sa voix muante. Il n’a pas fait trois pas dans
le tram qu’on sait déjà à qui on a affaire : un jeune coq en duvet,
gueulard dissonant jouant les queutards insatiables :
-
« Nan mais t’as vu, la copine à JB, comme
elle a fait sa salope hier ! Ma parole, elle bougeait son boule t’avais
l’impression qu’elle s’prenait pour Nicky Minaj ! »
-
« Bah pourquoi tu l’as r’gardes
aussi ! Personne t’oblige ! »
-
« Nan mais c’est bon, c’est une bombasse
c’est une bombasse : j’vais pas fermer les yeux, ch’uis pas un moine non
plus ! »
-
« Ah ouais tu la kiffes en fait ! Tu
la traites de salope, mais tu la kiffes trop en fait ! »
-
« Ma parole t’es jalouse ou quoi…c’est bon,
c’est la copine à JB, c’est la copine à JB ! Moi j’apprécie, c’est tout…de
loin…de près j’ai c’qui m’faut c’est bon ! allez, viens-là toi au lieu d’faire
ta jalouse ! »
Le coq en duvet vient
de passer son bras autour du cou de la jeune fille, comme font les collégiens
avec les « petits » quand ils veulent les charrier. Mais la jeune
fille a peut-être l’âge d’une collégienne, elle n’en a plus le corps. C’est une
petite déesse aux cheveux longs, lisses et roux, les traits blancs et onctueux
comme les ondelettes à la surface d’un bol de lait, les lèvres rouge sang et
les jambes parfaitement galbées, comme soufflées à la canne de verrier. Avec
son jogging noir moulant en bas et sa doudoune bleue marine coiffée de fourrure
en haut, c’est un petit miracle d’élégance périurbaine, une rose fraîche
poussée sur le béton ! Celui qui a l’air d’être son copain la tient
toujours sous son coude, mi-blagueur mi-dominateur, et elle se laisse faire
avec le petit sourire complice de l’amoureuse qui veut à tout prix pardonner et
qui saisit dans le moindre geste d’attention que lui donne son élu, fût-il un
peu brusque, l’occasion de se persuader qu’elle est aimée autant qu’elle aime…c’est-à-dire
aveuglément. Car il faut bien que l’amour soit aveugle pour qu’une pareille
beauté puisse succomber au charme, fatal d’indifférence, d’un ado brusque et
ingrat, n’ayant de doux que le duvet brun au-dessus de sa bouche, hélas pour
les voyageurs du tram, trop souvent ouverte. Mais on sait bien que les choses
du cœur et du cul se jouent aussi dans la tête, et que c’est un tel bordel
là-dedans chez nous autres humains que tous les appariements sont finalement
permis, et ce quelque à quelque âge que ce soit !
C’est sans que
la petite déesse ne lui oppose de résistance, que son gnome malicieux de copain
l’emmène un peu à l’écart du groupe, s’assoit à ses côtés dans un carré de
sièges, et commence à lui rouler une de ces tractopelles d’adolescents,
inquiétantes et abyssales, dans lesquelles on se demande comment les
propriétaires des langues en action vont pouvoir retrouver leur sienne propre,
tant ils ont l’air de s’abîmer l’un dans l’autre, ivres de leurs profondeurs jugulaires.
Les autres filles du groupe, en formation serrée autour de la barre de maintien,
sont des spectatrices intéressées de la scène, quoique bavardes. Peut-être pour
désamorcer la tension de la discussion précédente au sein du couple, elles
prennent très vite le parti de se moquer gentiment d’eux, sur le mode enfantin de
« Ouh les amoureux ouh les amoureux ! » mais dans un style dénotant
plus de maturité :
-
« Ouhhhhhhh c’est bon on s’tient plus
là ! », lance l’une.
-
« Eh c’est public ici, vous êtes pas dans
votre chambre ! », enchaîne l’autre.
-
« Putain y fait chaud dans ce
tramway ! C’est hot c’est hot ! », fait la troisième.
Et
la deuxième de commencer à chanter le refrain du tube du rappeur jamaïquain
Sean Paul, « Temperature » :
Well woman the way they time cold I wanna be
keepin’you warm
…aussitôt
reprise par les autres qui forment un véritable chœur, parfaitement synchro et
à l’accent populaire américain bien léché :
I got the right temperature for shelter you
from the storm
Oh lord, gal I got the right tactics to turn
you on, and girl I,
Wanna be the Papa, You can be the Mom, oh oh !
Les filles
finissent leur refrain dans un rire général, contentes de leur petite
prestation. Les amoureux ont interrompu leur tentative de fusion par la tête,
et regardent leurs spectatrices avec un sourire où se mêlent gêne et fierté, un
de ces sourires inusables qui traversent la vie et qu’on trouve chez l’enfant
comme chez le grabataire, le sourire du bonheur relevé d’interdit. Pendant
quelques secondes, le temps de ce sourire, ils sont magnifiques les deux ados,
ils sont beaux comme des dieux, les amoureux. Ils sont encore du bon côté de la
frontière du désir, du côté où aucun souci d’apparence ne vient y mettre des
formes. Leur visage est tout entier sculpté de plaisir. Mais un instant plus
tard, la société reprend possession d’eux, avec toute la violence des rôles
qu’elle sait prescrire. Ils balaient aussitôt de leur visage ce halo de sincérité
et viennent y remettre les moues prévisibles de leur personnage :
-
« Eh les filles, dans le clip de Sean Paul,
les meufs elles finissent pas habillées comme vous…ça tombe au fur et à
mesure ! Alors moi j’dis bravo pour les voix, maintenant faut mettre le
corps ! »
-
« Nan mais t’es qu’un obsédé toi, ma
parole ! »
Il a repris son
habit de mecton, rebelle et flambeur, elle refait la fille possessive et
jalouse, qui tient bien son homme devant les copines. La grâce du couple,
céleste le temps d’un sourire, a explosé, pulvérisée sous la pression du groupe,
qui a beau être spectateur, voire supporter, mais qui n’en reste pas moins juge
et prescripteur. Porte de Vincennes, tout le monde descend. Le tram fait une pause
dans son destin périphérique. Ses portes se referment sur deux sièges comme les
autres où s’estompe déjà le souvenir d’une joie ineffable, née de l’improbable
baiser entre un coq en duvet et une fleur de béton.
lundi 12 octobre 2015
Vinieron. Ellos tenían la Biblia y nosotros teníamos la tierra.
Y nos dijeron: "Cierren los ojos y recen". Y cuando abrimos los ojos,
ellos tenían la tierra y nosotros teníamos la Biblia.
"Ils vinrent. Ils avaient la Bible et nous avions la terre. Et ils nous dirent : "Fermez les yeux et priez". Et quand nous ouvrîmes les yeux, eux avaient la terre et nous avions la Bible".
"Ils vinrent. Ils avaient la Bible et nous avions la terre. Et ils nous dirent : "Fermez les yeux et priez". Et quand nous ouvrîmes les yeux, eux avaient la terre et nous avions la Bible".
Eduardo Galeano (1940-2015)
vendredi 2 octobre 2015
Les temps qui courent
Les halls de gare sont devenus tristes. Les tableaux d’affichage ne font
plus de bruit, les kiosques à journaux sont tous les mêmes, comme les stands à
roulettes de viennoiseries à emporter. Cet après-midi, la Gare de Lyon vit un
lundi ordinaire, sans incidents ni grèves, dans la fluidité de ses réseaux et
d’un quotidien sur les rails ! La foule est là, comme toujours. C’est une
foule d’heure creuse, plutôt assise que debout, plutôt sédentaire que nomade.
Tous ceux qui ne regardent pas un écran ont l’air ahuri. L’attente ne sied pas
à l’époque. Les gens qui s’ennuient ont l’air instantanément et
irrémédiablement inutiles.
Certains fixent le panneau d’affichage comme s’ils attendaient le tirage du
loto : intensément et avec l’espoir de tomber sur le bon numéro ! D’autres
se laissent absorber par la divine élégance d’un beau brun en noir et blanc qui
a l’air très heureux d’avoir une montre et qui étale son bonheur sur la
gigantesque publicité qui coiffe le panneau d’affichage. Au pied du majestueux
double escalier du Train Bleu, un jeune homme regarde la carte, puis soudain
s’enfuie d’un pas pressé avant d’aller se fondre dans la foule, effrayé
certainement par le prix du café : 6€10. Les palmiers, droits dans leur
caisson, ne bronchent pas.
L’ennui et l’indifférence baignent le hall de gare. L’arrivée d’un TGV
attendu ne suscite pas plus d’émotions que celle d’un RER que l’on n’attendrait
pas. Rien à voir avec ces scènes de vieux films où, dans les panaches de vapeur,
les gens attendent, fébriles, scrutant la voie d’où coule un flux tumultueux de
voyageurs surexcités, et où, quand ils aperçoivent soudain l’être attendu, leur
corps éclate en un feu d’artifice expressif de grands gestes des bras, de rires
épanouis et de larmes de retrouvailles. Il faut bien le dire, le TGV et le
portable, ça les a bien tué les retrouvailles. Le TGV, c’est la banalisation du
lointain, la fin de l’exotisme provincial, le sigle magique de la
périurbanisation de la France, un métro pour nos belles prairies quoi ! Le
portable, c’est la fin de l’absence, la fin du manque, de ce vertige du cœur
quand il sait que ceux qui comptent pour lui sont loin et inaccessibles, la fin
donc de ce sursaut de joie quand il les sent à nouveau proches.
Ils amènent bien leurs lots d’excitations nouvelles, ces réseaux grande
vitesse et haut débit, c’est sûr ! Faut pas faire de la technophobie à
deux balles…faut juste savoir ce qu’on perd ! Et si la fluidité des
réseaux nous débarrasse de certaines visquosités, d’enclavements où moisissent
des bouts de sociétés, elle en tranche aussi tout net, des morceaux du corps
social. Et ce qu’elle tranche le mieux, c’est son présent ! L’âge des réseaux, où d’un clic sur google earth, on
se promène à Valparaiso, c’est la fin du présent.
Le présent, ça n’est pas seulement une histoire de temps ! Le présent
des hommes, c’est toujours un ici-maintenant ;
c’est toujours à la fois temporel et spatial, le présent. Ce qui est mort dans
ce hall de gare, c’est l’ici-maintenant !
Pourquoi ? Parce que si les corps des hommes sont là, la plupart des
esprits sont ailleurs, absorbés par des choses qui se passent bien loin et que
leurs tablettes et leurs téléphones leur racontent ! Pourquoi ? Parce
que les trains vont si vite que le là-bas
du sud de la France a à peine le temps de prendre le large qu’il est rattrapé
par l’ici parisien ! A nous
rendre si accessibles les antipodes, à nous rendre si proche le lointain, les
réseaux nous ont ravi l’ici-maintenant pour
nous offrir l’ailleurs-toujours.
L’ailleurs, car le lointain peut
être nôtre désormais, et nous n’en finissons pas de nous griser de ses vertiges.
Toujours, car nos faits les plus
infimes, nos gestes les plus menus, nos mots les plus anodins, sont stockés,
indexés, analysés par les réseaux pour
devenir la nouvelle matière première de ce monde en construction : la donnée.
Dans la morne apathie qui écrase l’après-midi, le hall de la gare de Lyon
est comme une gigantesque salle d’attente. La foule, muette et triste, y fait
une dernière consultation auprès de la grosse horloge de la gare, matrone inamovible
des temps qui courent :
-
« Mère, nous avons mal au présent ! », avouent-ils en chœur.
-
« Prenez donc plus de données », leur répond-elle prestement, leur tendant son
cadran-compteur comme on tend une louche de potage, « vous aurez le passé du souvenir et le futur du projet…ça tient moins au corps,
mais ça vous forge l’esprit ! »
lundi 28 septembre 2015
Petit voyage de l’autre côté de la vie
Et puis
d’abord, tout le monde peut en faire autant. Il suffit de fermer les yeux.
C’est de
l’autre côté de la vie.
Céline, "Voyage au bout de la nuit".
- Votre
vie vous a-t-elle semblé vide ces derniers mois ?
Il y a des
franchises auxquelles on ne s’attend pas ! Cette question, dans le cas d’un
survivant à un dramatique accident familial qui occuperait seul le manoir de
ses aïeux perdu dans la campagne vosgienne, on comprendrait que ses amis la lui
posent, et encore avec des précautions. Mais quand elle provient des experts de
la sécurité sociale chargés des formulaires de bilan de santé, c’est plus
déroutant.
Dans la salle
d’attente de l’IPC de la rue la Pérouse, au cœur du grand XVIe —celui des
avenues boisées, des hôtels penta-stellaires et des survivances de domesticité
dans les hôtels particuliers—, l’homme à jeun remâche, à défaut d’un met plus
consistant, l’étonnante question : « votre vie vous a-t-elle semblé vide
ces derniers mois ? ». C’est intéressant. Ça lui rappelle ses cours
de philo de terminale, qui sont toujours en même temps des exercices de psycho,
puisque n’ayant lu ni Kant, ni Hegel ni personne le plus souvent, les lycéens
doivent bien aller chercher dans leur propre vie les expériences qui font la
matière de leurs dissertations, et faire de l’auto-analyse la pierre angulaire
de leur « méthodo ».
Mais sa dernière
dissertation, à lui, elle est loin. Ce doit être celle du BAC d’ailleurs, celle
où à la question « Qu’est-ce que le risque ? », il avait été tenté,
au début de l’épreuve, de répondre « c’est ça » et de rendre sa
copie, quasi-blanche. Il n’avait pas osé finalement. Les philosophes apprécient
les raisonnements longuement développés puis finement illustrés, et il s’était
dit qu’une copie de trois mots risquait de donner l’image d’une pensée trop
ramassée ! Une autre chose l’avait dissuadé d’accomplir son geste : il lui
avait paru un peu mesquin de prendre la peine d’écrire « c’est ça » sur
la copie. Le véritable philosophe-poète aurait rendu copie blanche, et n’aurait
souillé d’aucune petite encre l’immaculée fulgurance de sa démonstration. Or,
ce risque lui avait semblé trop grand. Il avait donc gratté trois copies
doubles, comme tout le monde.
Il n’est pas
aisé de sonder le vide métaphysique de sa vie quand on souffre du vide très
physique de son estomac. C’est en quelque sorte doubler l’examen du corps
par celui de l’esprit, et l’homme à jeun passe ici un examen périodique de santé, pas un deuxième BAC. Il décide donc de
cocher la case « non ». De toute façon il n’y a pas la place pour
d’autres développements. Il continue sa série de petites croix dans de petits
carrés noirs. Tout autour de lui, ça gratte aussi, dans le silence anxieux de l’attente,
strié parfois de déchirants borborygmes. Pas de doute que si les ventres savaient
écrire, ils répondraient « oui » à la question, eux !
Une fois son
formulaire rempli, l’homme à jeun range son stylo dans la poche intérieure de
sa veste, où se trouve également un petit carnet de notes. C’est la poche du
passé, celle de l’encre et du papier, celle du scribe qu’il y a encore chez le
moindre des alphabètes : la poche de l’Histoire. Il s’aperçoit que les
muscles du creux de sa main sont un peu endoloris d'avoir tant travaillé :
comme le corps oublie vite ce qui a été son régime pendant si longtemps !
Il ouvre et ferme sa main pour la détendre, puis la plonge dans son autre poche
intérieure, la poche du présent, celle de son smartphone, de l’électronique et
de l’octet, du pouce triomphant en une apothéose d’arabesques : la poche
du Réseau. Sa main se trouve tout de suite à son aise avec cette petite brique
noire et luisante pour lui donner consistance. Il déverrouille d’une caresse
son téléphone, et dans la minute qui suit accomplit les opérations
suivantes : consulter sa boîte mail, grimper sur son mur Facebook et y
scruter l’horizon du vaste monde de ses amis, vérifier son compte sur
l’application de sa banque, et jeter un coup d’œil à l’actu sur lemonde.fr.
Une minute plus
tard, l’homme à jeun est revenu de son surf sur la vague frétillante du Réseau.
Il range sa planche tactile dans sa poche intérieure et scrute autour de lui le
paysage. Comme lui, ils sont une quinzaine à attendre. Comme lui, ils n’ont pas
l’air bien riches. Il doit y avoir une bonne pelletée de chômeurs, comme lui. C’est
une drôle d’idée de la sécu d’offrir aux chômeurs des bilans de santé gratuits
en plein XVIe ! On est à deux pas de l’Hôtel Peninsula, cinq étoiles bien
lustré aspirant au grade de palace, un hôtel où dès 10h du mat, un duo
piano-batterie fait des arpèges jazzy pour un public de standardistes affairés derrière leur comptoir scintillant, un hôtel où les standards de jazz sont là pour le standing en somme !
Quoiqu’il en soit, à deux pas du palace en devenir, on soigne les pauvres, et gratuitement
qui plus est. C’est peut-être pour leur donner le goût de la réussite…ou de
l’au-delà ! On ne sait pas bien si les palaces cinq étoiles préfigurent la
première ou le second.
Leur formulaire
terminés, les patients s’occupent en regardant passer les infirmières, qui ne
sont ni lubriques ni sexy, mais qui bougent, ce qui suffit à faire de leurs
allées et venues un spectacle. Ceux qui ont pris leur temps sont encore penchés
sur leur devoir, et grattent, sagement. Le silence règne, soulignant chaque
mouvement, lui donnant une présence inattendue. Une chaussure qui crisse sur le
lino, une page que l’on tourne, un soupir : tout devient évènement dans le
calme rigoureux de la salle d’attente.
Puis on vient
chercher l’homme à jeun, en clamant haut et fort son patronyme : M. Cosmo
s’il-vous-plaît ! Il suit une dame en blouse blanche jusqu’à un bureau
étroit, sévèrement gardé par un ventilateur patibulaire faisant continuellement
et très lentement « non » de la tête. On lui pose quelques questions
sur son pedigree médical, ses allergies éventuelles, puis on lui explique la
marche à suivre :
-
« Alors d’abord vous allez faire votre
prise de sang. A jeun. Ensuite, vous passerez aux examens d’urine, toujours à
jeun. Vous allez devoir uriner dans un petit récipient et vous passerez ça par
la petite trappe qui se trouve au bout du couloir. Après, c’est bon, vous
pouvez manger. On vous donnera d’ailleurs une petite collation après
l’électrocardiogramme. Ensuite, vous aurez une consultation dentaire, un peu
plus loin dans le couloir, et enfin le RDV avec un généraliste qui fera le
bilan de vos analyses. Vous en avez pour 2h -2h30, ça vous va ? »
-
« Oui oui, très bien. »
-
« Dans ce cas, je vais vous laisser
rejoindre la salle d’attente pour la prise de sang, M. Cosmo. C’est juste
derrière la double-porte là-bas. »
M. Cosmo n’a en
réalité pas suivi grand-chose du programme. Il bute sur la première des
activités qu’on lui a concoctées, cette foutue prise de sang, qui lui fait
toujours autant d’effet. C’est plus fort que lui, dès qu’il entend cette
expression : « prise de sang », il est parcouru de sueurs
froides, cherche l’air autour de lui et croise ses bras très fort contre sa
poitrine, comme pour les dérober à l’aiguille imaginaire qui le menace de sa
ponction. Ça lui est arrivé de se sentir mal rien qu’à l’évocation d’une telle
« prise » dans une conversation, ou devant une scène de film. Comme cette
scène de transfusion sanguine dans La vie est un miracle de Kusturica,
où il avait même réussi à s’évanouir, bien assis dans son fauteuil, au
cinéma !
M. Cosmo arrive
dans la salle d’attente des prêts-à-ponctionner plus à jeun que jamais. Il
s’assied déjà fébrile, et croise bien fort les bras. Ça cache le tremblement.
Toutes les 3-4 minutes, les infirmières sortent de leur chambre de vampires et
choisissent une nouvelle victime. Il y a deux chambres et deux
infirmières : M. Cosmo se demande sur laquelle il va tomber (il
sait qu’avec lui, cela risque bien de ne pas être qu’une façon de parler !). Il
fait de savants calculs, compte les personnes présentes avant lui, évalue le
rythme de prélèvements de chacune des deux officiantes, et finit par estimer
que son sacrifice sera l’œuvre de la plus jeune. Il n’y a de toute façon pas de
bonne solution. S’il s’imagine aux mains de la plus âgée, M. Cosmo craindra qu’elle
ait perdu la précision de ses jeunes années et que sa mauvaise vue ne l’oblige
à lui transformer le bras en passoire pour en extraire un dé à coudre de sang.
S’il envisage son traitement par la plus jeune, il pensera tout de suite faire
les frais de son inexpérience et écoper de la pire des seringues, celle qui est
si grosse qu’elle ouvre dans la peau des geysers de sang, ou pire encore celle
qui est si fine qu’on ne peut que l’imaginer dans sa chair et laisser libre
cours aux pires visions de l’esprit. M. Cosmo n’est pas serein.
Quand il entend
prononcer son nom, M. Cosmo cogite si intensément qu’il ne remarque même pas
que c’est la plus jeune des blouses blanches qui vient de lui échoir. Il est
déjà pâle et tout entier absorbé par la stratégie d’auto-distraction qu’il va
devoir mettre en place. Il sait ce qui se trouve dans la chambre des vampires. Il
sait les paquets de gants en latex, les piles de seringues neuves et les séries
de tubes vides attendant goulument leur ration. Il sait ce terrible siège articulé,
honteusement confortable avec ses coussins couleur bleu nuit, et qui au moindre
signe de défaillance vous culbute à l’horizontale et vous maintient impuissant,
dans l’ouate du malaise, pendant des secondes d’éternité. Il sait donc qu’il
doit circonscrire les forces ennemies dès le premier regard, pour qu’au
deuxième, il sache où sonner la retraite, où diriger la fuite. Il y a toujours
une fenêtre ou une porte où le clouer, le regard, pour se convaincre que le
monde extérieur reste accessible, puisqu’on maintient un contact avec ses
frontières.
-
« Je vous préviens, je ne suis pas fan de
ces trucs-là », lance-t-il à l’infirmière d’une petite voix s’efforçant de
garder un ton blagueur.
-
« D’accord. Dans ce cas-là, je vais vous
faire la prise de sang allongé, ce sera mieux ! », lui répond
l’infirmière, sans entrer dans le registre ironique proposé par son patient.
-
« Bon », fait simplement M. Cosmo, qui
aurait préféré qu’on ne prenne pas son malaise au sérieux, qu’on le banalise
d’un sourire en lui disant « mais non, ça va allez, ce n’est rien du
tout : dans 30s c’est terminé ».
-
« Qu’est-ce que vous faîtes dans la
vie ? », tente l’infirmière en préparant ses instruments.
-
« Je suis chômeur », répond
laconiquement M. Cosmo, à qui on ne la fait pas et qui connaît les méthodes
industrielles de distraction dont usent les vampiresses. Avec lui, ça ne marche
pas : il a les siennes !
-
« Ah bah ça arrive », répond
l’infirmière qui prend beaucoup de soin à ne pas relever la sécheresse du
propos de son patient. Elle commence alors une longue harangue sur la crise,
les banques et les politiques, les dégâts du chômage face auquel on est tous
égaux : « une vraie plaie dit-elle » (c'est vrai qu'elle s'y
connaît dans le domaine !) ; et au phrasé automatique de son propos, M.
Cosmo devine que la piqûre est proche. Il ne s’est pas trompé : elle
arrive effectivement, imperceptible et indolore. M. Cosmo ne souffre pas :
il devient simplement incroyablement tendu. Bientôt, le secours de la porte où
ses yeux sont cloués n’est plus suffisant : il faut qu’il parle, non mieux
qu’il chante ! Il se met alors à fredonner à toute vitesse :
« Une jolie dans une peau d’vache,
Une jolie vache déguisée en fleur
Qui
fait la belle et qui vous attache
Puis qui vous mène par le bout du
cœur
Une
jolie fleur… »
Il répète en
boucle le refrain de la chanson de Brassens, espérant glisser sur cet air à la
fois champêtre et spirituel et gagner d’autres cieux que ceux farcis de néons
qu'il a juste au-dessus de lui. Il sent qu'il y parvient, mais bien au-delà de
ses espérances. Son esprit, au lieu de s'arrêter paisiblement sur cette image
de trahison amoureuse déguisée en contine bucolique, traverse à toute blinde le
pré de la peau d'vache et court vers l'inconnu. Son imagination n'a même plus
le temps de construire de paysages pour le rassurer, son esprit. Elle est à la
proue de sa conscience et cherche à le devancer, à le tromper, à le convaincre
que : "Non je ne me trouve pas dans une salle de prise de sang",
"non je n'ai pas une aiguille dans le bras"...et un esprit convaincu,
c'est bien connu, ça déplace des montagnes! L’esprit de M. Cosmo fait mieux :
il les pulvérise. Il va si vite, son esprit, que bientôt il décolle et se
retrouve dans un monde informe et d'une substance tout à fait semblable à celle
qui se trouve dans son estomac : du vide. Non, du néant ! Ce n'est pas pareil
le vide et le néant. Pour qu'un vide existe, il faut qu'un plein se laisse
concevoir. Le néant nie et le vide et le plein. M. Cosmo est heureux de ces
réminiscences de métaphysique. Elles lui permettent de prendre avec philosophie
un fait troublant : il vient de cesser d'exister.
Il n'est plus qu'énergie vitale M. Cosmo. Il a
perdu toute connaissance, toute conscience. Il y a simplement quelque chose qui
vit, à la forme impersonnelle de la troisième personne, et qui palpite à vide
dans ce grand fatras de riens qu'est le néant. Mais ça ne dure pas longtemps le
néant, même quand on est dans les vapes. Bientôt, M. Cosmo, qui vient de tout
laisser tomber, corps et esprit, observe médusé son être se recomposer alors
que lui-même n'en fait plus partie. Autour de cette énergie vitale qui vibre à la troisième personne, là dans ce lieu
hors de l'espace et cet instant hors du temps qui semblent très bien se passer
de lui, il est témoin de l'accrétion formidable de millions et millions de
poussières de sens. Dans une suspension psychédélique, des débris d'émotions,
des éclats d'idées, des météores de souvenirs coagulent en une vie. La sienne.
Un vague
sentiment de conscience s'empare à nouveau de lui. Toute la matière noire de
ses instants vécus continue de s'agréger en lui à une vitesse folle, sous la
force inouïe d'on ne sait quelle secrète gravitation. Des images de sa vie, à
la fois floutées et vives, sont projetées quelque part en lui, sur un écran de
conscience buveur de mémoire, qui engloutit d’un trait des décennies de vie. Ca
se passe exactement comme dans un film de David Lynch qu’on aurait accéléré
cent fois et dont M. Cosmo serait le héros.
Mais pris dans
cette tornade de sens en recomposition, M. Cosmo est bientôt pris d’un vertige
insurmontable. Ne serait-il pas en train de vivre ses derniers instants ?
Quel réveil pourrait éclore d'une submersion ? Comment pourrait-il ne pas
finir broyé, anéanti par la puissance d’un tel champ. Les étoiles meurent bien
de s'effondrer sur elle-même. M. Cosmo est persuadé qu'il s’en va...à jeun qui
plus est.
Pourtant, alors
qu'il s'est abandonné au rugissement infernal de son crépuscule boréal, du Big
Crunch de sa galaxie intérieure, alors qu'il se convainc que les sensations de
plus en plus familières dont il est parcouru ne sont que le chant du cygne de
son existence en cours d'effondrement, apparaît soudain une ombre. Elle se
découpe nettement devant lui et, bien qu'il ne sache pas s'il est en train de
la voir ou de l'imaginer, son surgissement a mis fin au cataclysme. L'ombre
continue de se préciser, en clignotant dans la conscience de M. Cosmo. Bientôt,
il discerne un visage, puis du mouvement et enfin, du son :
- M.
Cosmo, vous êtes avec moi? M. Cosmo, comment ça va? Vous vous êtes juste
évanoui M. Cosmo. Vous êtes à l'IPC de la rue La Pérouse et tout va bien M.
Cosmo. Je vais vous donner un verre d'eau et un sucre.
L'homme encore à
jeun est livide, la tête penché sur la têtière couleur bleu nuit de la chaise
articulée. Il a le corps lourd comme un univers et sa peau ruisselle d'une
sueur venue d'ailleurs. D'un faible
hochement de tête, il trouve malgré tout la force d'accuser réception de
la tentative de l'infirmière de banaliser l'évènement : "tout va bien M.
Cosmo", "vous vous êtes juste évanoui M. Cosmo". Il vient de
passer de l'autre côté de la vie, et on lui dit que tout va bien. C'est bien là
le jeu des hommes : se persuader que rien n'est grave, que ça va aller, l'insoutenable légèreté de l'être enfin...Mais
quand on a fait une telle expérience existentielle, on veut la partager, pour
impressionner peut-être, mais pour comprendre aussi. M. Cosmo esquisse une
phrase en ce sens à l'infirmière qui lui tend un verre d'eau, puis se ravise.
S'il n'y avait que des perspicaces quant à notre condition mortelle, des
esprits désabusés pour rappeler que chaque seconde est un pas vers la mort, que
la vie est une maladie mortelle, et autres vérités réjouissantes du même genre,
toutes les conversations tiendraient en deux lignes :
- « Ca
va ? »
- « Non,
j'existe et ça ne va pas durer. »
M. Cosmo préfère
renoncer à son récit. Il se contente de laisser fondre le sucre dans sa bouche
comme il vient de fondre dans le cosmos. Et puis, pris d’une curiosité médicale
pour les ressorts du petit tour de passe-passe que son corps vient de lui
jouer, il demande :
- « Ca marche comment l’évanouissement ? »
- « Ah ! », fait l’infirmière un
peu embêtée. « Alors, je peux pas vous dire exactement, mais je crois
que c’est une histoire de système nerveux autonome. Il faudrait demander à un
médecin, mais je crois que vous avez deux systèmes nerveux : le somatique
pour tout ce qui est gestes conscients et l’autonome pour toutes les fonctions
automatiques du corps (le cœur qui bat, les poumons qui respirent, etc). Et
alors, l’évanouissement, c’est quand une branche de votre système autonome, le
sympathique ou le parasympathique je ne sais plus, se met à ne plus marcher
correctement, soit parce que vous avez peur, soit pour d’autres raisons...mais
ne vous inquiétez pas pour autant, c’est très classique l’évanouissement
pendant la prise de sang...surtout pour les hommes ! », ajoute-t-elle avec
un petit sourire.
- « Oui, ça je sais », répond M. Cosmo, « les hommes ont moins l’habitude d’être en contact avec l’intérieur de leur corps, et tous ces fluides qu’il contient. Merci pour l’explication en tout cas, c’est peut-être pas hyper-précis, mais c’est très clair ! Un médecin n’aurait pas fait mieux... sinon, sans vouloir abuser de votre hospitalité, je crois que je reprendrais bien un verre d’eau...sans sucre par contre s’il-vous-plaît ! »
- « Oui, ça je sais », répond M. Cosmo, « les hommes ont moins l’habitude d’être en contact avec l’intérieur de leur corps, et tous ces fluides qu’il contient. Merci pour l’explication en tout cas, c’est peut-être pas hyper-précis, mais c’est très clair ! Un médecin n’aurait pas fait mieux... sinon, sans vouloir abuser de votre hospitalité, je crois que je reprendrais bien un verre d’eau...sans sucre par contre s’il-vous-plaît ! »
L’infirmière,
partagée entre le plaisir d’avoir un patient sensible et attentif et le devoir
qui l’invite à ne pas traîner avec chacun d’entre eux, lui sourit mais d’une
façon légèrement moins affable que la première fois, avant de se dépêcher d’aller
lui chercher un verre d’eau. Pendant ce temps, M. Cosmo repense à son
expérience existentielle à la lumière de l’explication qu’il vient de recevoir.
Ainsi, ce serait son système nerveux autonome qui déconnerait ! Celui des
fonctions automatiques de l’organisme. Ca semble assez cohérent avec la
sensation de jamais vu ressentie
pendant son malaise : d’une certaine façon, il a fait l’expérience
quasi-consciente de son système nerveux autonome. Ca a quand même de la
gueule ! On pourrait le dire de façon plus emphatique encore : il a passé
quelques secondes dans l’univers inconscient de son enveloppe charnelle, celle
qui en temps normal est bien gardée par ce système nerveux autonome dont il
ignorait l’existence.
M. Cosmo réalise
qu’il vient d’apprendre quelque chose de pas banal : il n’y a pas que
l’esprit qui ait un inconscient. « Le corps a le sien, et je viens de le
rencontrer ! », se dit-il. A ce compte, le prélèvement sanguin est
presque un impôt dérisoire si le service qu’il sert à délivrer est aussi
exceptionnel ! Ca le réconcilie presque avec les aiguilles, ces
considérations !
Quand on revient
vers lui avec un grand verre d’eau, il a retrouvé le sourire M. Cosmo, et un
peu d’aplomb. L’infirmière, désormais résolue à ne plus traînasser avec cette
âme sensible, accompagne son geste charitable d’une petite pique, tout en
finesse :
- « Allez, courage M. Cosmo, vous avez fait
les 5 minutes les plus dures...il ne vous reste plus que 2h15 de rigolade avec
mes collègues maintenant ! »
M. Cosmo sourit
sans relever la pointe de perfidie qu’il perçoit dans la réplique comme dans le
ton qui l’accompagne. Il boit d’une traite son verre d’eau et se lève avec
lenteur, d’un élan néanmoins décidé. Après tout, il la comprend
l’infirmière : si tous les patients étaient comme lui, elle se ferait virer,
la pauvre ! Il doit faire sacrément chuter son rendement journalier. Avant
de sortir de la salle, il se contente de la saluer par une nébuleuse
évocation :
- « Vous savez, quand quelques secondes dans les pommes vous ont fait comprendre le mystère du pommier, 2h, ça n’est pas grand chose ».
- « Vous savez, quand quelques secondes dans les pommes vous ont fait comprendre le mystère du pommier, 2h, ça n’est pas grand chose ».
Et ainsi s’en va
M. Cosmo, un sucre de moins à son jeûne et quelques pommes de plus à sa
philosophie.
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