Donoma, « le jour est là » en langue lakota ! L’annonce est détonante et a quelque chose de mystique ou de follement ambitieux. Mais il fallait bien trouver un nom de guerre pour une œuvre auto-proclamée « film-guerilla », qui revendique un budget de 150€, un recours systématique à la débrouille (acteurs bénévoles, troc d’appartements pour les tournages, costumes prêtés par un créateur en échange de la réalisation de clips de défilés, etc…) et un « esprit » indépendant du début à la fin. Une chose est sûre : la communication est bien rôdée ! Pourtant, Donoma est bien plus que le « buzz movie » d’une bande de jeunes indépendants autodidactes. C’est un film-programme.
Tout commence au milieu d’un chemin de traverse dans ce qu’on imagine être une banlieue parisienne plutôt bourgeoise. Un couple de jeunes se roulent des pelles sur les marches d’un escalier quand une dispute éclate parce que, selon la fille, son mec « n’en peut plus » et devient trop entreprenant ! Les répliques fusent, dans un slam à deux voix, rythmé et lyrique, et lorsque la sonnerie du portable du garçon vient interrompre la dispute, on est presque déçus. L’écriture des dialogues et le jeu des acteurs sont si ajustés qu’on a l’impression d’un documentaire sur la vie amoureuse des jeunes. En réalité, si certaines scènes donnent une telle impression d’authenticité, c’est que Djinn Carrénard (scénariste, réalisateur et monteur) a volontairement laissé une large place à l’improvisation ! S’exprimant dans une interview au sujet de l’interprétation de ses acteurs, il dira d’ailleurs : « sans lancer des fleurs à mes comédiens, ils approchaient le jazz ».
Si les qualités d’écriture et d’interprétation exceptionnelles que Donoma parvient à rassembler donnent naissance à certaines scènes d’anthologie, valant pour elles-mêmes en dehors de toute intrigue, celle-ci mérite tout de même qu’on s’y attarde. Donoma est un film choral qui tente d’orchestrer la polyphonie de trois voix féminines dans le contre-chant masculin de l’amour, du désir et de la trahison. Trois femmes courage entourées d’hommes en galère, tous cherchant désespérément un sens aux mouvements du cœur.
Une prof d’espagnol dans un lycée d’une banlieue populaire, aux prises avec un "caïd du dernier rang", et qui, de défis en provocations, finit par se laisser embarquer dans une relation faite de confidences, de sexe, et d’humiliations réciproques. Une jeune lycéenne, vivant seule avec sa sœur leucémique et possessive dans la maison bourgeoise de ses parents, sortant avec ce même "caïd du dernier rang" (lequel la trompe donc avec sa prof d’espagnol), et qui, déçue par les amours terrestres, finira par chercher dans le passage éphémère d’un RER l’âme-sœur et sainte avec laquelle est persuadée d’avoir un lien. Une photographe enfin, en mal d’expériences amoureuses, qui décide de s’en remettre au hasard pour choisir son prochain et premier amant, avant d’y parvenir et d’instaurer avec l’heureux élu une relation sans paroles mais pleine de sensualité et de mimes.
Toutes les histoires ne se rejoignent pas. Toutes les intrigues ne se dénouent pas. Le flou dont la caméra de Djinn Carrénard est imprégnée (parfois peut-être inutilement) déteint sur un scénario qui n’a pas vraiment de fin. Mais qu’importe, un cinéma est bien là ! Un cinéma qui n’a peur ni des frontières sociales ni des paradoxes esthétiques : du RER aux beaux arrondissements de Paris, d’une écriture exigeante à l’improvisation dramatique, d’une ambition réaliste aux échappées mystiques. Un programme est fixé. On attend la suite.