lundi 17 février 2014
Alexis de Tocqueville, "Mémoire sur le paupérisme", 1835.
Ne nous livrons donc point à de dangereuses illusions, fixons sur l'avenir des sociétés modernes un regard calme et tranquille. Ne nous laissons pas enivrer par le spectacle de sa grandeur; ne nous décourageons pas à la vue de ses misères. A mesure que le mouvement actuel de la civilisation se continuera, on verra croître les jouissances du plus grand nombre; la société deviendra plus perfectionnée, plus savante; l'existence sera plus aisée, plus douce, plus ornée, plus longue; mais en même temps, sachons le prévoir, le nombre de ceux qui auront besoin de recourir à l'appui de leurs semblables pour recueillir une faible part de tous ces biens, le nombre de ceux-là s'accroîtra sans cesse. On pourra ralentir ce double mouvement; les circonstances particulières dans lesquelles les différents peuples sont placés précipiteront ou suspendront son cours; mais il n'est donné à personne de l'arrêter. Hâtons-nous donc de chercher les moyens d'atténuer les maux inévitables qu'il est déjà facile de prévoir.